THALIA DALECKY
C’est au tour de la sculptrice Thalia Delacky de nous dévoiler les coulisses de son atelier parisien. Ses mains transforment et façonnent la matière brute en de délicats profils. Si son travail est en partie concentré sur les courbes féminines, la jeune artiste s’émancipe aujourd’hui du genre en créant également des visages qu’elle présente comme non-genrés. La terre : matière à créer, matière à penser.
PHOTOS ET INTERVIEW PAR MYLÈNE COMTE
Je m’appelle Thalia, j’ai 30 ans. Après mon diplôme aux Beaux-Arts de Reims, j’ai voyagé pendant un an entre l’Australie et l’Asie du Sud-Est, année de liberté, de découvertes, de rencontres… Le retour était compliqué, j’étais perdue, déracinée. Pour me retrouver, je me suis tournée vers ma valeur sûre, ce que j’aimais le plus: la gastronomie.
Mon rêve depuis petite était de créer un lieu d’échange, de créations, de partage, où se croisent design, architecture, art, culinaire, mode …
Je pense que ce lieu s’est construit dans mon esprit grâce à l’éducation de mes parents (mon père guitariste compositeur et ma mère aux milles et une vies). J’ai baigné depuis ma naissance dans des lieux atypiques, dans des milieux loufoques, entourée par des originaux. Mes parents m’emmenaient en soirée chez leurs amis, j’invitais mes copines et ma mère nous donnait des paillettes, du vernis et on passait nos soirées avec les grands à boire des coupes de champomy. Jamais de nounou. C’était génial.
J’avais donc en tête un lieu de partage et de création, mais je ne connaissais rien au business. Je n’avais jamais travaillé ou très peu. Donc j’ai marché dans Paris à la recherche de restaurants qui me plaisaient, je voulais apprendre comment créer son entreprise. J’ai travaillé 2 ans dans un restaurant à Opéra. Cette expérience m’a beaucoup aidé à devenir la femme que je suis aujourd’hui. Ce milieu très exigeant m’a permis de gagner en confiance en moi et en assurance. Après ces deux ans , j’ai réalisé que l’art me manquait vraiment, j’ai donc pris un moment pour réfléchir, penser à moi, prendre des cours de dessin, de sculpture, d’écriture, de sophrologie, de danse. La sculpture est vite devenue une évidence. La terre me permettait de faire des formes sans réfléchir, mes mains travaillent toutes seules, comme par magie. Contrairement à mon école d’art où j’intellectualisais tout, je pensais trop, j’avais du mal à créer, j’avais peur de rater. Là au contraire c’était fluide et hypnotisant. Le toucher, la texture, les formes qui naissaient entre mes doigts, c’était magique.
C’est un lieu sacré dans lequel j’ai besoin de me recueillir, de prendre mon temps, d'être à mon rythme. Une bulle dans laquelle le temps n’est qu’à moi. Je passe de longs moments à regarder les gens marcher dans la rue, en rêvant. Je rêve beaucoup. Je voudrais parfois y dormir, entourée de mes pièces, qu’elles viennent m’en inspirer d’autres dans mon sommeil...
Je suis aujourd’hui dans un atelier partagé, avec d’autres céramistes mais j’ai un grand projet pour l’année 2022 que j’ai vraiment hâte de commencer. Ce projet rassemblera tout ce que j’aime dans un seul et même lieu, c’est une grande aventure.
La femme au début, comme la catharsis de mon travail psychologique, la guérison de mes blessures, de celles des femmes de mon arbre généalogique. Maintenant, comme tout évolue, la femme est devenue l’âme. Polarité féminine ou masculine, c’est à l’autre de décider ce qu’iel voit dans mon travail. Mon travail actuel sur les profils n’a pas de genre, ces visages vivent dans le monde des âmes, des êtres sans questionnement de genre. À la manière dont je ressens un autre être humain: est ce que ça vibre, ça brille ? C’est doux ? C’est apaisant ? La ligne du profil s’est installée dans mon travail, et je la suis depuis maintenant deux ans. Elle est toujours là, elle fait parler mes mains avec la terre.
Egon schiele , Francesca woodman, Constantin Brancusi , Georgia O’Keeffe , Dora Maar, Valentine Shlegel , Jean Cocteau , Ossip Zadkine , Jean Arp, Alina Szapocznikow , Marina Abramovic , Cindy Sherman, Amedeo Modigliani …
Mes doigts , mes yeux ...
Une table basse.
Sûrement une de mes premières pièces qui représente un sein avec un bras qui l’entoure, comme pour le soutenir et le rassurer .
La couleur de la terre: du blanc en passant par l’ocre, jusqu’au noir.
Ça dépend de mon humeur ... De la musique parfois groovy parfois toute douce. Aussi des podcasts sur des sujets comme les planètes par exemple (l’infiniment grand me fascine), les mécanismes du cerveau ou bien des interviews de personnalités que j’aime.
Toujours confortable, avec un peu de rouge à lèvres. Quand j’ai prévu un dîner après ma journée de travail, je me prépare dès le matin. Je prends beaucoup de plaisir à me maquiller et à m’habiller, ce qui me met souvent en retard … !
Je mets un tablier pour protéger mes vêtements, sinon je porte un pantalon de travail un peu large ou un jean brut et des baskets en toile .
Simple et comfy. J’aime les matières près du corps, élastiques, qui épousent les formes. les boots, les chemises douces, les jeans taille haute , les gros pulls et les mini jupes . Et les bijoux dorés.
- Boulangerie : Du pain et des idées (meilleur pain de paris) et Utopie (chausson aux pommes incroyable)
- Restaurant : One and One paris (burgers de fou)
- Primeur : Les saisonniers (bio et local)
- Brasserie: toutes celles où il fait chaud en hiver et une terrasse ensoleillée en été où je peux rêver en regardant les gens passer et en buvant des litres de café.
- Hammam : Les cents ciels, détente absolue après journée tendue
- Marché: le marché Bastille (pain marocain tout chaud et galettes)
Le compte de la photographe Chantal Convertini « paeulini ». Son travail est magnifique . Je commence un projet avec elle et j’ai hâte de le continuer.
Mon propre atelier pour 2022... je ne peux pas en dire plus !! Et mon expo solo au Sookie Hôtel dans le marais pour 2022.